La décarbonation du bâtiment : limiter les émissions de CO2 dans le secteur de la construction
Mis à jour le 2 août 2024 à 16:52:44Découvrez les enjeux et les objectifs liés à la décarbonation du bâtiment et l'intérêt du matériau bois dans cette démarche.
La lutte contre le changement climatique est un enjeu majeur de notre temps. Pour y contribuer, différents leviers sont appliqués dans le secteur du bâtiment, selon des objectifs édictés au niveau national, afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Pour favoriser une moindre consommation énergétique, autant que l’essor de l’usage de matériaux plus performants, les produits et systèmes constructifs à base de bois constituent des solutions des plus efficaces.
L’objectif de la réduction de carbone
L’évolution du climat sur la planète fait l’objet de nombreuses études depuis la fin du xxe siècle, et les sommets de la Terre qui se sont succédé. En effet, pour comprendre et mesurer le changement qui s’opère, des rapports notamment émis par le GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat) font état de la situation et des projections qui pourraient avoir lieu dans les prochaines décennies. Ainsi, son 6e rapport publié en 2023 affirme que la température moyenne à la surface de la Terre a augmenté de 1,1 °C depuis 1900. Des solutions y sont apportées pour endiguer ce phénomène.
L’accroissement de l’effet de serre est la cause de cette hausse majeure. Cet effet est tout à fait naturel et permet d’avoir une température de surface compatible avec la vie humaine sur Terre. Les gaz tels que le dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère retiennent ainsi la chaleur au sol, comme le ferait une vitre sous l’effet du soleil. Mais, la concentration trop importante de ces gaz élève d’autant plus la température.
Les conséquences qui découlent de cet effet de serre sont aujourd’hui bien identifiées, et justifient qu’on ait à lutter contre ce phénomène (À lire sur le sujet : Le bois pour lutter contre l'effet de serre). On peut citer par exemple :
- la fonte des glaciers et de la banquise provoquant une élévation du niveau des océans ;
- l’augmentation de la fréquence des événements climatiques extrêmes (inondations, sécheresses, cyclones, canicules, etc.) ;
- l’impact sur l’habitat des êtres vivants ;
- la perturbation des activités humaines.
L’impact de l’activité humaine sur le changement climatique est avéré. Avec l’industrialisation qui a lieu depuis la moitié du xixe siècle, l’accélération de la hausse de température est nette, car on sait que cette activité intense est émettrice de CO2. On note ainsi que plus un matériau va nécessiter de l’énergie, plus il sera émetteur de carbone.
Pour chaque produit, il est alors possible de réaliser son analyse de cycle de vie, pour déterminer la quantité d’énergie requise et faire le lien avec le carbone, à chaque étape de sa vie, à savoir :
- la production ou l’extraction ;
- le stockage ;
- le transport ;
- l’emballage ;
- les déchets induits ;
- jusqu’à la mise en décharge pour les matériaux non recyclables.
On parle aussi d’énergie grise (À lire sur le sujet : L'énergie grise et le bois), pour parler de l’énergie totale dont un matériau a besoin pour sa production et sa mise en œuvre. On y inclut aussi les consommations énergétiques du matériel ayant servi à sa fabrication.
Cette consommation d’énergie s’exprime alors en kWh/tonne, de la naissance à la fin de vie du produit. On estime que 1 000 kWh d’énergie grise équivalent à un rejet de 350 kg de CO2.
Pour limiter l’impact de l’activité humaine sur le climat, diverses mesures ont été entreprises pour engendrer une décarbonation globale, via un changement de pratiques. En 2020, une Stratégie Nationale Bas Carbone (2020) a ainsi été mise à jour, et donne de grands objectifs.
D’après Catherine Guerniou, autrice de Le carbone dans le bâtiment, le bâtiment dans la décarbonation, « le secteur du bâtiment compte directement et indirectement pour 38 % des émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie ». S’il est deux fois moins émetteur qu’au niveau mondial, le bâtiment, en France, représente tout de même 1/5 des émissions de carbone. Selon le ministère de la Transition Écologique, cela représentait 83 MtCO2 en 2017 et 75 MtCO2 en 2021. Il génère aussi 30 millions de tonnes de déchets par an, soit plus que les ordures ménagères.
Pour ce secteur du bâtiment, la SNBC fixe une étape de réduction des émissions de carbone de 55 % d’ici 2030 (par rapport à 1990), pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Cela représente une baisse de près de 45 MtCO2 d’ici 2030.
Ainsi, pour accompagner cette décarbonation drastique du bâtiment, la loi « climat et résilience » de 2021 a permis la rédaction d’une feuille de route. 25 leviers ont été identifiés et suivent 4 orientations principales :
- Aller vers une consommation énergétique totalement décarbonée, grâce aussi à la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) ;
- Inciter à une rénovation de l’ensemble du parc existant résidentiel et tertiaire. Le nombre de « passoires thermiques » est estimé à 5,2 millions en France, soit près de 18 % du parc immobilier actuel (source : C. Guerniou). La SNBC souhaite porter cette massification de la rénovation, en passant de 300 000 opérations complètes par an entre 2015 et 2030, à 700 000 par an, entre 2030 et 2050. À ce jour, le nombre de rénovations performantes est de l’ordre de 250 000 par an (Source : Carbone 4) ;
- Accroître les niveaux de performance énergie et carbone sur les bâtiments neufs ;
- Viser une meilleure efficacité énergétique des équipements et une sobriété des usages (en limitant le nombre de m² neufs à construire, au profit d’une rénovation de l’existant).
On comprend que cette stratégie s’appuie sur la sobriété, la rénovation (notamment par l’isolation) ou encore l’emploi de moyens de chauffage moins émetteurs de carbone.
Enfin, depuis son application au 1er janvier 2022, la RE2020 vise à limiter l’impact carbone des bâtiments neufs. À ce titre, il est souhaité de recourir à des matériaux de plus en plus vertueux d’un point de vue environnemental, d’autant plus si on respecte une logique de circuits courts. C’est un intérêt majeur des matériaux biosourcés.
À découvrir : la stratégie gouvernementale de la décarbonation du bâtiment.
Les matériaux biosourcés au cœur de la décarbonation des bâtiments
Les matériaux biosourcés sont issus du vivant, qu’il s’agisse de produits végétaux (paille, chanvre, bois, etc.) ou de tissus animaux (laine de mouton, etc.).
Ces ressources, et notamment le bois, présentent de nombreux atouts (À lire sur le sujet : Le bois, un matériau naturel, renouvelable et bien plus encore). Elles sont renouvelables, disponibles et présentes à proximité (limitant ainsi les transports et leur propre impact carbone). Aussi, ce sont généralement des produits faciles à travailler et légers, ce qui limite une fois de plus la quantité d’énergie nécessaire à sa transformation en produit fini et à son transport. Enfin, leur fin de vie est là aussi peu énergivore, avec des matériaux recyclables (Vidéo - Bois & recyclage), qui se déconstruisent facilement.
On peut aussi parler des matériaux géosourcés (ex. : pierre, terre crue), qui présentent aussi des intérêts communs.
Ces matériaux se retrouvent pour plusieurs fonctions dans le bâtiment :
- En structure (ex. : bois) ;
- En isolation thermique (ex. : chanvre, paille, etc.) ;
- En isolation phonique (ex. : liège) ;
- En enduit (ex. : terre crue).
Ils s’associent donc aisément pour optimiser les performances d’un bâtiment, tout en limitant son impact environnemental.
Si la filière bois a su s’industrialiser rapidement, notamment pour répondre aux enjeux de la RE2020, nul doute que les références performantes utilisant des matériaux biosourcés au sens large vont aller crescendo (À lire sur le sujet : Construction durable et RE2020 : 7 raisons de choisir le bois).
Leur emploi est même encouragé par la SNCB, qui, en encourageant aussi le recours au bois énergie en substitution d’énergies fossiles, veut multiplier par 2 le réservoir carbone (terres et matériaux) et diviser par 6 les émissions de gaz à effet de serre. D’ici 2030, l’usage de ces matériaux biosourcés permettra à des bâtiments de bureaux ou de logements collectifs de stocker en moyenne entre 60 et 70 kgCO2 par m² construit (À lire sur sujet : Les matériaux biosourcés dans la construction d’ici 2030).
Vous voulez en savoir plus sur les matériaux biosourcés et leur impact carbone ? Visionnez le webinaire Bois et Biosourcés du 28/06/2022 publié sur le site du CODIFAB
Parmi les produits biosourcés, le bois est probablement celui dont la filière est la plus développée. Ce matériau durable, utilisé de tout temps par l’Homme pour construire, peut remplir de nombreuses fonctions au sein du bâtiment (structure, revêtement, aménagement, etc.). Dès lors qu’il est bien utilisé aux bons endroits (À lire sur le sujet : Usages du bois : Placer la bonne essence au bon endroit), c’est un matériau qui résiste au temps et évite ainsi de devoir être remplacé régulièrement. C’est aussi un très bon isolant thermique, dont les performances sont 15 fois supérieures à celles du béton.
Grâce à une maîtrise de la conception, on peut optimiser le dimensionnement des éléments structurels, pour limiter aussi les chutes. Quoi qu’il en soit, ces dernières peuvent être revalorisées, entrant dans un principe d’économie circulaire. Aussi, en fin de vie, les éléments en bois peuvent être réemployés ou recyclés sous d’autres formes, alimentant des secteurs tels que l’ameublement ou l’industrie du panneau. On estime que 95 % des produits bois sont recyclables. Quand le bois n’est plus utilisable sous forme de bois massif, alors il est valorisé en bois énergie. Le seul carbone émis sera ainsi celui que le bois aura stocké pendant toute sa période de croissance en forêt et d’utilisation.
Par rapport à d’autres matériaux, le bois est aussi vertueux sur le plan des émissions de carbone. À titre de comparaison, l’aluminium est 50 fois plus émissif. Ainsi, une tonne d’aluminium rejette 11,80 tonnes de dioxyde de carbone, alors qu’une tonne de bois émettra 250 kg de CO2 tout au long de sa vie.
Pour répondre aux enjeux majeurs de la décarbonation du bâtiment, l’utilisation de produits biosourcés est donc bénéfique, mais pas suffisante. L’ensemble de la filière forêt-bois apporte ainsi des solutions complémentaires, dans ce même objectif, avec pour aboutissement la construction bois, qui apparaît clairement comme un choix d’avenir.
Lycée professionnel maritime Florence Arthaud à Saint-Malo – Source : Pascal Leopold
Comment la filière forêt-bois peut-elle contribuer à la baisse des émissions de CO2 ?
De sa croissance à son usage, le bois est un allié du climat. On peut résumer son action par la règle dite des « 3 S », pour :
- Séquestration ;
- Stockage ;
- Substitution.
Commençons donc par la séquestration : pour être produit, l’arbre accomplit un processus de photosynthèse. Ainsi, en plein jour, les feuilles vont capter du CO2 de l’atmosphère, pour rejeter de l’oxygène. Ce phénomène est d’autant plus dynamique que la forêt est jeune.
C’est pourquoi on assimile souvent les forêts au « poumon de la Terre ». Cette réaction chimique naturelle fait des forêts un véritable puits de carbone. Ce CO2 absorbé dans l’atmosphère, c’est autant de gaz retenus dans le bois, ce qui limite l’effet de serre. Selon l’ONF, au niveau de la forêt française, on estime que 70 millions de tonnes de CO2 sont séquestrées en plus chaque année (dans la biomasse aérienne et souterraine), soit l’équivalent de 15 % des gaz à effet de serre émis au niveau national.
Pour accroître cet effet bénéfique, l’objectif de la SNBC est de doubler ce flux de séquestration d’ici 2050 par rapport à 2015 (source : Carbone 4). Notons pour cela que la forêt française est en progression, avec près de 30 000 ha qui se rajoutent chaque année, et un rythme de plantation de l’ordre de 80 millions de plants par an. La surface forestière a donc augmenté de 10 % depuis 1981.
Vient ensuite le stockage : en effet, si on parle de puits de carbone, on peut aussi parler de « piège à carbone ». Car une fois absorbé, le CO2 reste dans le bois, dès lors que celui-ci n’est pas dégradé. Ce stockage est donc vrai et pérenne dans chaque arbre des forêts, mais aussi dans chaque produit bois qui est valorisé sous forme de bois d’œuvre (charpente, meuble, etc.) ou de bois d’industrie (panneaux, papiers). On estime ainsi que 1 m3 de bois stocke environ 1 tonne de CO2, soit l’équivalent d’un aller-retour Paris-New York (12 000 km) en avion par passager. D’après le CODIFAB, on mesure à 335 MtCO2 le stock de carbone dans les produits bois en 2015. D’où l’importance de maintenir des coupes régulières de bois, selon un principe de gestion durable, pour générer des produits qui vont stocker ce CO2, tout en permettant à la forêt de se renouveler.
Seul l’usage en énergie, qui doit être le dernier usage possible du produit, libère le CO2 initialement stocké, rendant ainsi les combustibles bois neutres, d’un point de vue du carbone.
Un produit bois doit donc être utilisé sur une longue durée de vie. Ainsi, le CO2 sera emprisonné durant la période la plus longue possible, durant laquelle d’autres jeunes arbres vont pousser pour continuer d’absorber du CO2 atmosphérique. La SNBC fixe l’objectif de tripler le volume de produits bois à longue durée de vie, d’ici 2050.
Enfin, parlons de l’effet de substitution. Par l’emploi du bois (en construction ou aussi en énergie), on remplace d’autres matériaux plus énergivores. Ainsi, avec le bois, non seulement on utilise un matériau vertueux, mais on évite aussi de produire et de mettre en œuvre des matériaux dont les émissions de carbone sont importantes. On mesure à 20,4 MtCO2/an la quantité évitée par effet de substitution grâce à l’usage des produits bois (source : CODIFAB).
Comparaison des émissions de carbone entre du béton armé et un panneau de bois massif CLT – Source : Carbone 4
La forêt française est en capacité de fournir la majorité des produits bois utilisés dans la construction (environ 63 %), ce qui limite là encore l’impact du transport. Mesurer cet impact pour un chantier donné, avec des produits spécifiques dont on connaît l’origine, peut désormais se faire grâce à des outils destinés aux équipes de construction. Des fiches dites FDES (fiches de déclaration environnementales et sanitaires) permettent entre autres de mesurer l’impact carbone de chaque produit. Elles alimentent ensuite des configurateurs complets comme DE Bois, ou DE Bois De France.
Une fois dans la construction, le matériau conserve ses avantages environnementaux : on estime que 15 à 20 tonnes de CO2 sont stockées dans une maison bois de taille moyenne.
Si on souhaite valoriser l’impact carbone de son bâtiment, on peut le faire labelliser BBCA (Bâtiment Bas Carbone). Cette démarche, qui concerne aussi bien le neuf que la rénovation, prend bien en compte les différentes étapes de la vie d’un bâtiment, à savoir :
- la construction (mixité intelligente des matériaux, sobriété de la conception, etc.) ;
- l’exploitation (énergie faiblement carbonée, énergies renouvelables, etc.) ;
- le stockage carbone (présence de matériaux biosourcés) ;
- l’économie circulaire (déconstruction sélective, réemploi de produits, la mutualisation des espaces, le potentiel de changement d’usage, le potentiel d’extension).
Le ministère de la Transition Écologique a aussi mis en place un label bas carbone pour contribuer aux financements de projets permettant de respecter les engagements climat du pays. Les projets concernés relèvent soit de projets d’évitement d’émissions de gaz à effet de serre, soit de projets de séquestration carbone.
Si le bois est reconnu pour ses vertus environnementales, son action sur la lutte contre le changement climatique se situe bien sur des fronts multiples. Ainsi, son usage dans le bâtiment va clairement contribuer à la décarbonation du secteur, tout en dynamisant une filière qui va, elle aussi, limiter fortement les émissions de CO2.
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