Les matériaux biosourcés dans la construction d’ici 2030
Mis à jour le 8 sept. 2022 à 17:25:56Alors que le secteur du bâtiment accélère sa transition énergétique et écologique, la filière forêt-bois se positionne comme un acteur déterminant dans la création de constructions plus vertueuses. En effet, le bois est le seul matériau de construction dont toute utilisation permet de lutter contre le gaz à effet de serre. Il stocke le gaz carbonique à hauteur d'une tonne de CO2 par m3, soit 15 à 20 tonnes de CO2 capté pour une maison bois française de taille moyenne.
La Stratégie Nationale Bas Carbone introduite par la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte valorise l’importance de la filière forêt-bois dans la lutte contre le réchauffement climatique. De même, la RE2020 place les matériaux biosourcés sur le devant de la scène... Mais quels seront leurs places dans la construction à l'horizon 2030 ? Comment la filière forêt-bois s’adaptera-t-elle à ces transformations ?
Une transformation des pratiques
Le développement des solutions biosourcées est d’abord une affaire d'habitude des pratiques. L’industrie du bâtiment s’est structurée ces dernières années principalement autour de quelques matériaux. Le bois occupe aujourd'hui environ 8% des parts de marché de la construction en France(1). Pour offrir une place aux matériaux biosourcés, c’est donc l’ensemble de la chaine de valeur qui va apprendre à concevoir, réaliser et exploiter différemment. Un challenge collectif qui met en lumière l’importance de ne pas opposer les matériaux, mais plutôt viser une performance plurielle: technique, économique et bas carbone. Les biosourcés présentent assurément des atouts majeurs dans nos trajectoires de décarbonation.
Les biosourcés, champions du bas carbone par effet de substitution
Les matériaux biosourcés présentent un bénéfice carbone très significatif par effet de substitution (hors séquestration et module D, en ACV statique, avec un ordre de grandeur de -60%) pour plusieurs catégories de produits. Ils sont en général issus de procédés moins consommateurs en énergie et émetteurs en carbone que des produits traditionnels.
En parallèle, ces matériaux présentent néanmoins des enjeux opérationnels qui doivent être pris en compte dans la prescription (coût, caractéristiques techniques, disponibilité, assurabilité).
De multiples applications avec des niveaux de maturités variables
Les matériaux biosourcés ont de multiples applications : isolants, peinture, composants de panneaux... Les filières de produits biosourcés sont organisées autour de différents profils d’acteurs, présentant des structurations et des niveaux de maturité variables. On peut distinguer 4 segments majeurs : béton et mortier, paille, isolants biosourcés, et bois.
A ce jour, de nombreux produits ou procédés biosourcés sont classés comme traditionnels ou technique courante, validant leur mise en œuvre vis-à-vis des assureurs. Prenant en compte leur caractéristiques (masse combustible et caractère putrescible), leur domaine d’application est encadré, comme tous matériaux de la construction, et parfois de manière prudentielle compte tenu du faible retour d’expérience. L’usage hors référentiel, notamment sur des bâtiments de plus grandes hauteurs, implique alors des procédures de validation plus longues et coûteuses (ATex, …).
Des critères de qualité sont nécessaires pour optimiser l’effet puits de carbone des biosourcés
Le second bénéfice carbone associé aux matériaux biosourcés est la séquestration temporaire de carbone. Le bois stocke ainsi environ 1 tCO2e/m3 de bois. Toutefois, l’impact des matériaux biosourcés sur les puits de carbone varie en fonction de la gestion de la ressource, de la durée de vie des matériaux et de l’horizon temporel étudié. Des critères sur la ressource et sur l’usage des matériaux permettent d’optimiser l’effet puits de carbone :
- La préservation des sols et écosystèmes.
- La gestion durable de la ressource.
- L’augmentation de la durée de vie des matériaux biosourcés.
- La fin de vie vertueuse et le chainage des usages : priorité au recyclage, avant la valorisation énergétique.
La SNBC (stratégie nationale bas carbone) a fait le choix de mobiliser le bois énergie et les biosourcés dans le bâtiment, afin de multiplier par deux le réservoir carbone (terres et matériaux) et diviser par 6 les émissions GES. En cohérence avec cette stratégie, la RE2020 a pris des arbitrages qui induisent "un recours plus fréquent au bois et aux matériaux biosourcés ". Le hub des prescripteurs bas carbone a étudié qu’un bâtiment s’inscrivant dans une trajectoire SNBC stockera en 2030 en moyenne entre 60 et 70 kgCO2e séquestré par m² construit (logement collectif et bureaux).
Des ressources disponibles et un développement à accompagner
1er producteur de plantes à fibres et 4ème ressource forestière d’Europe, la France est un véritable réservoir de ressources qui ne demande qu’à être encouragé et se développer. L’analyse de la disponibilité de cette ressource et du niveau de structuration des filières nécessite de distinguer 2 grandes catégories :
- Les fibres végétales sont principalement utilisées pour la réalisation d’isolants, et dans une moindre mesure dans des bétons alternatifs. La disponibilité des ressources en fibres végétales est suffisante, selon des experts, pour faire face à une hausse significative et progressive ; les matériaux utilisant dans la grande majorité des cas un co-produit qui est peu voire non exploité. Pour exemple, 4 à 6 millions de tonnes de paille est mobilisable pour le bâtiment (soit 40 à 65 millions de m3) [ARENE-Île‐de‐France]. La structuration semi-industrialisée voir industrialisée d’une majorité des ressources en fibres confère une capacité d’évolutivité de la production selon la demande à venir.
- 63% du bois construction provient aujourd’hui des forêts françaises (les importations concernant majoritairement du bois composites comme le lamellé collé, le CLT ou le contrecollé). L’articulation entre les différents acteurs de la chaine de valeur de la transformation du bois doit être optimisée pour un approvisionnement dans de bonnes conditions sur le territoire français (coûts, qualité et délais). Des investissements ont d’ailleurs été annoncés par la filière bois dans les prochaines années pour industrialiser et équiper massivement les chaines de production, mobiliser des volumes de bois français et réduire les coûts(1).
La filière forêt-bois vise l'objectif de représenter 20 à 30 % des constructions d'ici à 2030 pour des parts de marché qui s’élèvent à ce jour à 8%(2). Voir le communiqué de presse sur l'Enquête Nationale de la Construction Bois - Activité 2020.
Pour aller plus loin :
Des pratiques nouvelles à assimiler pour une optimisation des coûts
Le recours à des constructions mixtes ou tout bois peut être considéré comme une pratique nouvelle, avec des parts de marché et un nombre d’initiés encore restreint. Construire en biosourcé nécessite une connaissance et une maitrise de leurs spécificités pour exploiter leurs atouts tout en assurant une conception, une réalisation et une exploitation maitrisées. La formation des acteurs professionnels est donc un axe majeur pour assurer un emploi optimal de ces matériaux. Celle-ci est nécessaire à tout niveau : maîtres d’ouvrages, architectes, bureaux d’études, entreprises,…
L’assimilation des pratiques par un nombre grandissant d’acteurs permettra d’accroître le recours à ces matériaux dans la construction, et leur compétitivité sur l’ensemble de la chaîne de valeur (économie d’échelle pour les coûts de production, optimisation de la conception et de la mise en œuvre), qui devrait permettre à la filière d’être d’autant plus compétitive sur une approche coût-carbone.
(1) ARENE-Île‐de‐France
(2) Plan Ambition Bois-Construction 2030, 2021
(3) France Bois Foret, 2021
Source : Brief Filière « Matériaux biosourcés » (ifpeb.fr)
Crédits photos : Atlanbois ; Bruno Goetschy ; Fibra ; France Bois Regions - France Bois Foret - Plan Rapproche ; Noah Buscher
partager
sur Facebook sur LinkedIn sur Pinterest par mail sur Twitter