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Notre-Dame de Paris : à édifice exceptionnel, moyens exceptionnels ! Charpente bois

Notre-Dame de Paris : à édifice exceptionnel, moyens exceptionnels !

Mis à jour le 2 août 2024 à 16:50:18

Retraçons l'histoire de la charpente de Notre Dame puis revenons sur ce projet de reconstruction exceptionnel.

Qui ne connaît pas Notre-Dame de Paris ? L’édifice de la capitale a marqué de son empreinte le patrimoine international, par son architecture et l’histoire qui s’en dégage. La charpente de Notre-Dame est aussi entrée dans les références, tant celle que l’on appelle « la forêt » que celle de la flèche emblématique. Alors, depuis l’incendie du 15 avril 2019, la filière bois s’est engagée à soutenir la reconstruction de ces charpentes, dont le chantier s’achève en 2024. Retour sur ce projet hors normes, marqué par une solidarité sans précédent…

La charpente de Notre-Dame de Paris : des siècles d’histoire…

La cathédrale de Paris est un symbole national, qui est connu dans le monde entier. Il aura fallu près de deux siècles pour l’ériger, entre l’année 1163 et le milieu du XIVe siècle, sous l’impulsion de l’évêque Maurice de Sully. Une importante restauration, coordonnée par l’architecte Eugène Viollet-le-Duc au milieu du XIXe siècle, est à l’origine de la flèche indissociable de la cathédrale, qui culminait à 96 mètres. Il aura également rénové la charpente des transepts, tandis que les structures de la nef et du chœur étaient restées en l’état. Si le monument est connu de par le monde, il aura aussi fait l’objet d’une des œuvres littéraires majeures, sous la plume de Victor Hugo.

À l’image du monument, la charpente de Notre-Dame est une prouesse de technicité, réalisée par l’Homme dès le Moyen ge. Celle qui se trouve au niveau de la nef et du chœur date du XIIIe siècle, ce qui en fait une des plus anciennes de Paris, et prouve une fois de plus le génie ancestral des charpentiers qui l’ont mise en œuvre et entretenue. Chaque poutre est issue d’un chêne différent, ce qui lui vaut son surnom de « la forêt ». Aussi, ses dimensions exceptionnelles finissent de convaincre de l’unicité d’une telle œuvre : 100 m de longueur par 13 m de largeur dans la nef, 40 m dans le transept et 10 m de hauteur.

En complément, la charpente de la flèche érigée par Viollet-le-Duc est aussi synonyme d’exception. Au XIXe siècle, 15 ans ont séparé le début de sa conception jusqu’à son inauguration, en 1859. Cet ouvrage à part entière s’élevait à la croisée du transept à partir du tabouret sur lequel reposaient plusieurs niveaux à clairevoie. Là encore, chaque pièce est unique et la charpente naît d’assemblages particulièrement complexes.

Dès le XIIe siècle, une première charpente est érigée, avec des bois de chêne datant déjà de 300 ou 400 ans. Dès 1220, une deuxième charpente est conçue, taillée et levée, en réemployant certains bois du premier ouvrage. Viollet-le-Duc lui-même conclut qu’un incendie serait la cause de la disparition de la 1re charpente.

Tout comme la cathédrale qui présente une architecture avec des ogives caractéristiques, cette structure est dite « gothique ». La charpente supporte notamment les 210 tonnes de la couverture, composée de quelque 1 300 tables de 5 mm d’épaisseur de plomb. De même, des bois de plus faible section que les gros bois de la 1re charpente sont utilisés, permettant d’obtenir une toiture à forte pente. Pour Notre-Dame de Paris, elle s’élève avec un angle de 55°.

L’entretien d’un tel édifice relève des architectes en chef des monuments historiques, MM. Philippe Villeneuve, Rémi Fromont et Pascal Prunet, en lien avec la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) d’Île-de-France ou encore la direction générale des patrimoines et de l’architecture.

La charpente de Notre-Dame (au niveau de la nef et du chœur) est une charpente médiévale qui a notamment fait l’objet de relevés entre 2014 et 2015. En effet, cette structure étant jugée exceptionnelle pour bon nombre de charpentiers et de Compagnons du Devoir, il était important qu’elle soit analysée et comprise dans sa globalité. Ce travail détaillé fait donc état de l’agencement général de la charpente (forme et type des fermes), mais aussi des marques d’assemblage, des réparations ou encore des déformations. Cette étude alimente donc de nombreux sujets d’étude dans les formations, dont celle de l’école de Chaillot qui forme des architectes spécialisés dans la conservation et la restauration architecturales, urbaines et paysagères.

Ces poutres chargées d’histoire auront donc assumé pleinement leur rôle pendant plus de 800 ans, sans montrer de signe de faiblesse.

L’incendie de la cathédrale est survenu le 15 avril 2019. Si la cause n’est pas déterminée, la piste accidentelle est privilégiée. Cette catastrophe aura certes mis à mal le bâtiment, mais le constat de longévité depuis sa création au Moyen ge aura sûrement argumenté en faveur d’une reconstruction à l’identique.

Un objectif commun pour reconstruire la charpente de Notre-Dame

Après le choc et l’émotion devant la vision de la cathédrale en proie aux incendies, une solidarité internationale s’est rapidement mise en place. On dénombre ainsi plus de 340 000 donateurs, pour œuvrer à cette reconstruction, notamment celle de la charpente de Notre-Dame.

Si des projets ont vu le jour pour repenser l’édifice et lui proposer une nouvelle allure, la volonté de la reconstruire à l’identique s’est finalement imposée. La structure bois apportera de nouveau de nombreux siècles de pérennité, période durant laquelle le matériau va continuer de piéger du carbone, luttant ainsi contre le changement climatique (À lire sur le sujet : Bois & effets de serre : Le rôle de l'homme).

Ainsi, la filière forêt-bois, sous l’impulsion de France Bois Forêt, s’est elle aussi mobilisée pour soutenir cette reconstruction.

Pour retrouver la charpente de la flèche et du transept de Notre-Dame, cela a nécessité 1 260 chênes, pour environ 1 000 m3, qui ont été offerts par les forestiers publics et privés. Ces arbres provenaient de toutes les régions de France. Rappelons que la forêt française dispose de près de 17 millions d’ha de forêt, dont 4 millions d’hectares de chêne et 250 millions de m3 de bois d’œuvre sur pied. Les experts forestiers rappellent aussi que le volume requis par la reconstruction de l’ensemble des charpentes de Notre-Dame de Paris (flèche, transept, chœur et nef) ne représente que 0,2 % des arbres récoltés chaque année en France. Ainsi, la ressource nécessaire à ce chantier équivaut à la croissance des chênaies françaises en seulement 3 heures.

Dès 2021, France Bois Forêt et l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris ont donc signé une convention. Ainsi, l’ensemble des acteurs concernés ont pu acter leur volonté de mécénat en nature ou d’apport de compétences, pour contribuer à la reconstruction de la charpente de Notre-Dame.

Au final, ce sont les forestiers, les gestionnaires, mais aussi les transporteurs-grumiers, les scieurs, charpentiers ou encore bureaux d’étude et architectes qui ont tous œuvré et donné de leur temps pour que ce projet puisse aboutir. C’est un véritable esprit d’équipe qui s’est développé naturellement autour de ce chantier.

Ce projet a donné lieu à la création de la « Fondation France Bois Forêt pour le patrimoine », qui vise justement à contribuer au maintien ou à la restauration d’édifices nationaux. En 2024, 28 projets ont déjà été soutenus par cette action.

La charpente de Notre-Dame de Paris renaît de ses cendres

Dès la fin de l’incendie et le sauvetage de la cathédrale par les pompiers, une mobilisation a permis d’envisager la suite, à savoir la reconstruction de l’édifice et de la charpente de Notre-Dame. Pour ce faire, le chantier aura dû débuter par plusieurs étapes :

  • Sécurisation de l’édifice ;
  • Mise « hors d’eau » de l’édifice et pose de cintres pour empêcher l’effondrement de la voûte ;
  • Démontage de l’échafaudage.

La sécurisation définitive fut effective en septembre 2021. La restauration de la cathédrale pouvait alors commencer en tant que telle.

Celle-ci s’appuie notamment sur une méthodologie conforme aux normes européennes (CEN/TC 346 « Conservation du patrimoine culturel »), relatives au processus de conservation/restauration d’un monument historique. En complément, des chartes et recommandations internationales ont permis de commencer les études, qui précèdent la conception même du projet.

Pour contribuer à ce travail, et pour rendre hommage à ce savoir-faire traditionnel que représentait la charpente de Notre-Dame, les Compagnons charpentiers du Devoir ont monté une exposition. Avec l’aide de 13 étudiants architectes du patrimoine, 15 compagnons ont finement étudié « la forêt », pour mettre en lumière ces compétences qui se transmettent de génération en génération.

Ce sont ces techniques ancestrales qui ont aussi été respectées pour ce chantier, tant dans la fabrication que pour certains transports. Les charpentiers ont notamment équarri manuellement les poutres, à l’aide d’outils anciens comme la doloire, une hache à simple biseau. Cette technique permet de générer des entailles creuses et de respecter le fil du bois et ses courbures naturelles. De même, les fibres de bois n’étant pas sciées, les éléments structurels s’en retrouvent d’autant plus pérennes. Notons également l’importance que les bois sélectionnés aient eu une croissance régulière et un fil parfaitement droit, afin d’éviter tout risque de déformation dans le temps.

Aussi, le transport par voie fluviale, depuis la Seine jusqu’à l’acheminement sur l’île de la Cité, a été plébiscité. Ce sont ainsi 200 tonnes de matériels qui sont arrivés par la voie des eaux, ce moyen de transport étant 5 fois moins émissif que le transport routier, en matière de carbone. Il représente enfin un potentiel de densification, car il pourrait accueillir 4 fois plus de trafic que ce qui transite à ce jour.

Après 4 ans, la charpente de Notre-Dame a été nouvellement restituée en janvier 2024. Pour marquer le coup et respecter la tradition d’une fin de chantier, une branche a été déposée sur le toit par le plus jeune charpentier, alors âgé de 18 ans.

Au-delà de la structure, les avancées de la reconstruction de Notre-Dame concernent aussi son futur agencement, avec plus de 1 500 chaises en chêne qui sont en cours de fabrication, et qui viendront meubler la nef dès le mois d’octobre 2024.

La reconstruction globale de l’édifice est donc en passe d’être achevée, car la réouverture au public de la cathédrale est attendue pour le mois de décembre 2024. Nul doute que cet objectif sera réussi, au vu de l’engagement de tous pour redonner à ce joyau de l’architecture gothique et à sa structure emblématique, toute leur superbe.

Comme vous le voyez, le bois est la réponse à tous les projets d’exception… À commencer par le vôtre !

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